Rachel Kiddell-Monroe
SeeChange Initiative
Montreal, QC
Secteur d'Impact
Droits de l'Homme & Égalité
Peuples Autochtones & Réconciliation
Santé & Bien-Être
DÉCOLONISER LA RÉPONSE AUX CRISES SANITAIRES
Le défi : Nos systèmes d’aide humanitaire actuels ne sont pas en mesure de répondre aux crises de nature climatique, sanitaire, économique et politique qui convergent de façon alarmante. La réponse traditionnelle aux crises est caractérisée par des approches ascendantes colonialistes qui, bien souvent, ne sont pas adaptées aux réalités et aux besoins des communautés qu’elles sont censées servir, notamment lorsqu’il s’agit de communautés autochtones. Nous devons transformer radicalement l’aide humanitaire internationale en accordant une place centrale aux communautés affectées par les crises.
La solution : Avec SeeChange Initiative, Rachel Kiddell-Monroe promeut un changement de paradigme quant à la manière d’offrir de l’aide humanitaire internationale. SeeChange Initiative considère que les communautés doivent élaborer elles-mêmes les réponses aux crises qu’elles affrontent. À l’aide d’une approche nommée CommunityFirst, l’organisation établit des partenariats avec les communautés avant, pendant et après l’avènement d’une crise sanitaire pour coconcevoir des stratégies de préventions et des interventions sanitaires adaptées aux valeurs, au contexte, aux capacités et aux contraintes des communautés.
Une modification radicale du système d’aide internationale
Qu’il s’agisse de la COVID-19, de la tuberculose, de la fièvre d’Ebola ou de la fièvre Zika, que se passe-t-il habituellement lorsqu’une crise sanitaire frappe une communauté éloignée ou autochtone?
Habituellement, un acteur majeur du secteur de l’aide humanitaire est habituellement parachuté sur place afin de mettre en œuvre une solution externe à l’emporte-pièce. Il se tord ensuite les mains en se demandant pourquoi la crise persiste, puis redouble d’efforts, explique Rachel Kiddell-Monroe.
Or, il s’agit là d’un cercle vicieux que perpétue le système d’aide internationale ancré dans le colonialisme. Toutefois, avec SeeChange Initiative, Rachel propose de reconcevoir de fond en comble ce système afin que le pouvoir, le financement de même que le travail de conception et de mise en œuvre des solutions soient entre les mains des communautés frappées par de telles crises. SeeChange Initiative travaille à l’échelle mondiale afin d’aider ces communautés à élaborer leurs propres réponses aux crises sanitaires. L’organisation coopère également avec des organisations humanitaires bien établies (ex. : Médecins sans frontières) afin de démontrer l’efficacité des solutions élaborées par les communautés.
Rachel a fondé SeeChange Initiative en 2018 en réponse à une épidémie de tuberculose qui s’était déclarée dans différentes communautés inuites dans l’Arctique canadien. Dans un contexte où les gens vivent encore avec les conséquences des pensionnats et des sanatoriums, une réponse tenant compte des traumatismes est cruciale, fait remarquer Rachel. « Les gens ne vont pas dans les centres de santé parce qu’ils ne font pas confiance au système médical. Et ils ont bien raison. »
SeeChange Initiative a coconçu une série d’ateliers et de cercles de partage en inuktitut. Dirigées par la communauté, ces activités se sont penchées sur la perception que la communauté avait de la tuberculose, de même que sur les expériences personnelles en lien avec cette maladie. « Les gens ont besoin de parler de ce qui leur est arrivé, d’expliquer pourquoi ils ont dû être envoyés à l’extérieur, pourquoi ils ont été attachés à un lit, pourquoi ils ont été opérés et pourquoi leur bébé leur a été enlevé. Après une semaine, en ayant eu l’occasion de s’exprimer et d’être entendus, et bénéficiant d’une plus grande dose de compréhension, ils étaient mieux préparés à diriger la coconception d’une stratégie permettant de prévenir et de traiter la tuberculose. Puis, quand la COVID-19 s’est déclarée, ces mêmes leaders étaient prêts à cocréer une stratégie pour affronter la pandémie. Aucun cas ne s’est déclaré dans cette communauté en 18 mois. Et lorsque des cas de COVID-19 se sont manifestés, ils ont été capables de les contrôler. »
En mettant en place des fonds communautaires perpétuels détenus par les communautés vulnérables, SeeChange Initiative vise à ce que le financement en cas de crise passe des mains des grandes organisations d’aide à celles de chaque communauté. « Les acteur·rice·s locaux sont mieux positionnés pour verser l’aide avec une rapidité et une efficacité accrues, en plus de faire montre d’une plus grande compréhension des contextes culturels locaux », indique Rachel.
Dans le cadre du travail qu’elle a effectué durant la COVID-19, SeeChange Initiative a commencé à jeter des ponts entre les différentes communautés éloignées et autochtones à travers le monde, et elle prévoit maintenant d’étendre ces réseaux.
« Nous avons d’incroyables militant·e·s dans les communautés du Nunavut, du Pérou, de la Sierra Leone, du Venezuela et d’ailleurs », explique Rachel. « Ce sont eux qui jouent un réel rôle humanitaire, qui sont sur le terrain pour défendre leur communauté et la protéger contre les menaces sanitaires et climatiques, quel qu’en soit le prix. Alors, au lieu d’envoyer une organisation de bienfaisance offrant de l’aide internationale en Sierra Leone, nous pouvons concevoir que des communautés du Pérou transmettent leurs stratégies à celles de la Sierra Leone et du Nunavut qui, en retour, transmettent leur sagesse aux peuples autochtones du Brésil, et ainsi de suite. C’est une solution tellement sensée qu’il y a lieu de se demander pourquoi elle n’est pas déjà appliquée. »